Que devez-vous faire lorsque vous êtes effectivement confronté à des situations d’abus des travailleurs sans papiers ?
Informer
Ce que vous pouvez faire principalement en tant qu’assistant social est d’informer la personne sur ses droits. FAIRWORK Belgium a publié en collaboration avec les syndicats un guide des droitsà l’attention des travailleurs sans papiers, qui reprend les principales informations et principaux conseils.
Si vous avez des questions sur la situation spécifique qu’un travailleur sans papiers vous présente, vous pouvez prendre contact avec un helpdesk spécialisé :
- FAIRWORK Belgium pour les questions générales et des conseils relatifs au travail des sans papiers.
- Le bureau d’information des services d’inspection, surtout la direction Contrôle des Lois Sociales, pour des questions spécifiques sur les salaires, les jours de congé, le licenciement, etc. Pour des questions sur le droit de la sécurité sociale, vous prenez contact avec les services que vous retrouvez ici .
- ADDE et le service juridique que vous y retrouvez, pour des questions relatives au séjour, aux autorisations de travail et autres.
- Éventuellement les services juridiques des syndicats, certainement si les personnes sont affiliées à un syndicat. Les personnes sans droit de séjour peuvent sans problème s’affilier à un syndicat. Les syndicats aident les personnes qui sont affiliées et paient leur cotisation. Toutefois, vous ne pouvez bénéficier de certains services que si vous êtes déjà affilié depuis un certain temps. Si vous n’êtes pas affilié, vous recevrez toutefois généralement un premier conseil.
- Payoke, Pag-Asa ou Süryapour les situations dans lesquelles vous soupçonnez une possible traite des êtres humains.
Rassembler les données
Pour évaluer ce à quoi une plainte peut conduire, vous pouvez aider le travailleur à rassembler le plus d’information possible pour corroborer ses déclarations et prouver le problème. Plus la force probante est grande, plus les possibilités d’obtenir des résultats sont importantes. De très nombreux éléments peuvent être recherchés par le travailleur lui-même.
De quelles informations s’agit-il ?
- Preuves de l’emploi: l’adresse précise de l’emploi, la bonne orthographe du nom de l’employeur, le type de travail, le nombre de collègues, des informations sur les collègues (noms, nationalités, tâches,…), etc. Ces preuves sont importantes si vous voulez aider le travailleur à formuler une plainte. Mais aussi si vous voulez aider le travailleur par une médiation.
- Via la Banque Carrefour des entreprises vous pouvez faire une recherche sur l’employeur. Ce faisant, vous pouvez parfois trouver l’orthographe correcte du nom ou l’adresse complète de l’employeur. Vous pouvez également éventuellement trouver des informations capitales comme, par exemple : la personne que le travailleur connait est-elle également le gérant, l’entreprise est-elle entre temps déclarée en faillite, etc.
- Vous pouvez éventuellement l’aider en passant un certain nombres d’appels téléphoniques à des clients, des collègues et d’autres personnes concernées pour pouvoir bien reconstituer le récit.
Sur cette page , vous trouverez plus de conseils sur les éléments qui peuvent tenir lieu de preuve.
Le travailleur décide d’agir par lui-même
Préoccupations du travailleur
Vu les nombreux dilemmes présents et la faible marge de manœuvre dont dispose un travailleur sans papiers, le meilleur point de départ, ce qui doit aussi être entrepris, est qu’il décide lui-même des démarches qui seront entreprises.
Il est possible que vous soyez confronté à des situations qui vous semblent inacceptables. Mais le travailleur n’a peut-être aucune alternative ou a d’autres raisons de laisser cette situation telle qu’elle est (voir ÉTAPE 1 : COMPRENDRE). Dans ce cas, une intervention peut finalement empirer la situation du travailleur. Des éléments vous sont peut-être cachés, lesquels motivent fortement la décision du travailleur.
Il est en outre possible qu’une demarche que vous entreprenez pour un travailleur ait des conséquences pour les collègues qui ne demandent pas votre aide. Nous l’illustrons par un exemple :
Lisa et Jose travaillaient pour un sous-traitant d’une grande entreprise de nettoyage. Après un certain temps, ce sous-traitant ne payait systématiquement plus les salaires des travailleurs et remplaçait les travailleurs par des nouveaux. Lisa et Jose prévoyaient de retourner dans leur pays d’origine, le Brésil, et voulaient entreprendre quelque chose contre leur employeur malhonnête. Nous avons décidé de discuter avec la grande entreprise de nettoyage qui était le client de cet employeur. La conséquence était que l’entreprise de nettoyage pouvait probablement résilier le contrat avec ce sous-traitant et les personnes qui travaillaient encore pour lui perdaient alors leur travail.
Nous avons expliqué clairement à Lisa et Jose les conséquences possibles. Mais Lisa et Jose ont décidé que le plus important était d’arrêter leur employeur et que nous prenions néanmoins contact avec la grande entreprise de nettoyage. Nous avons alors convenu avec les syndicats que les travailleurs éventuellement dupés pourraient encore prendre contact avec eux par la suite.
Dans ce cas, les travailleurs ont dès lors décidé d’entreprendre quelque chose, en dépit des conséquences éventuelles. Toutefois, il est tout aussi possible qu’ils décident de ne rien faire pour ne pas nuire à leurs collègues. Si vous intervenez toutefois dans pareil cas, par exemple en tuyautant l’inspection du travail, le risque est grand de compromettre sérieusement la confiance entre vous et les travailleurs et de ne plus jamais avoir la possibilité de mener un entretien ultérieur avec eux sur le travail et leurs connaissances. Si vous laissez la décision aux travailleurs, ils peuvent encore décider tôt ou tard d’entreprendre quelque chose et revenir vers vous.
Que pouvez-vous faire ?
Décidez en concertation avec le travailleur de l’étape suivante :
Médiation avec l’employeur:
Il s’agit de l’étape la plus recommandée quand il est question de petits montants de vol de salaire (arriérés de salaire) ou quand le travailleur veut surtout résoudre le problème rapidement. Parfois, le travailleur a aussi besoin de cette étape pour pouvoir se décider à entreprendre d’autres démarches plus officielles. Un refus clair de l’employeur de régler l’affaire à l’amiable constitue parfois pour le travailleur la goutte qui fait déborder le vase. Il peut par conséquent aussi être utile dans des situations très graves et dramatiques d’entreprendre d’abord une tentative de médiation. Il est toujours sensé de téléphoner à l’employeur en la présence du travailleur, pour que le travailleur puisse écouter. Enregistrez ces conversations, si l’employeur ne veut pas collaborer pour régler la situation à l’amiable, vous pourrez utiliser cette conversation comme preuve.
Si vous décidez de rencontrer l’employeur dans le cadre d’une médiation, tenez compte de quelques aspects liés à la sécurité. Il s’agit en effet d’une situation conflictuelle. Il peut s’agir tant pour les travailleurs que pour les employeurs d’une situation tendue et des comportements agressifs peuvent surgir. Rencontrez dès lors les employeurs de préférence dans des lieux où aucune autre personne ne se trouve à proximité. Il peut être préférable de rencontrer les travailleurs et les employeurs séparément afin d’éviter les tensions.
Fixez-vous clairement des principes d’action clairs sur la manière de gérer ces situations, sur ce que vous devez faire et ne pas faire. Cela doit rester clair que vous n’êtes pas impliqué dans la relation de travail clandestin ou dans le conflit. Vous pouvez faire signer une déclaration à cet égard au travailleur avant d’entreprendre les démarches. Faites signer des documents lors de chaque remise d’argent effectuée par votre intermédiaire, lesquels indiquent le but de la transaction et le bénéficiaire de l’argent. Tant que cela concerne un salaire pour un travail presté et que vous n’êtes en aucune manière impliqué dans l’organisation de l’emploi, il s’agit d’argent auquel le travailleur a droit et vous restez dans le cadre légal.
Procédure juridique
Dans le cas où il est question de sommes très importantes de vol de salaire, de comportement agressif sur le lieu de travail ou de solides preuves de travail au noir, la décision peut être prise de s’adresser directement à l’ inspection ou au juge. Parfois, les travailleurs veulent surtout responsabiliser l’employeur et le plus important pour eux est de recevoir rapidement leur argent. Dans ce cas aussi, une procédure officielle peut être préférée. Vérifiez, dans les cas d’abus très graves, s’il peut être question de traite des êtres humains.
Une procedure officielle doit être suivie jusqu’à la prise d’une décision. En tant qu’assistant social, vous pouvez aider le travailleur à obtenir un accompagnement professionnel, via p. ex. un avocat. Vous pouvez éventuellement continuer à surveiller vous-même le dossier du coin de l’œil. Vous pouvez également jouer un rôle important dans la préparation complémentaire d’un bon dossier.
Pour encore mieux vous informer dans votre tâche de médiation ou un soutien éventuel pour des procédures officielles, vous pouvez toujours contacter FAIRWORK Belgium pour plus d’information ou de l’aide.
Vous prenez l’initiative
Dans des situations exceptionnelles, il peut être justifié de passer à l’action sans l’accord du travailleur ; par exemple en contactant les services d’inspection compétents. Cela devrait toutefois rester une exception. Veillez toujours à être bien informé du contexte précis, du point de vue du(des) travailleur(s) concernés, et des raisons pour lesquelles vous prendriez l’initiative sans l’accord du(des) travailleur(s).
Exemples dans lesquels vous pouvez envisager d’agir de votre propre initiative :
- Dans le cas d’un accident du travail, où le travailleur est inconscient et ne peut émettre ses souhaits, mais où une incapacité de travail définitive est probable, il est très important d’agir rapidement. Une déclaration réussie de l’accident peut faire toute la différence pour le travailleur pendant le restant de sa vie (en raison notamment de l’allocation éventuelle d’incapacité de travail). Plus la déclaration est faite tardivement, plus il sera difficile pour les services d’inspection de constater qui était l’employeur responsable et les circonstances dans lesquelles l’accident s’est produit. Contactez dès lors l’inspection sociale et demandez-lui de passer à l’action immédiatement. Ils demanderont peut-être à ce que l’hôpital le leur demande. Fedris ne peut rien faire tant que l’employeur responsable n’est pas désigné.
- En cas d’exploitation systématique de grands groupes de travailleurs, qui comptent toujours de nouvelles victimes, vous pouvez décider d’entreprendre une action pour arrêter l’employeur concerné.
- Éventuellement en cas d’emploi de mineurs d’âgedans des conditions inhumaines.
Roberto a travaillé pour une entreprise de nettoyage et devait négocier chaque mois pour obtenir son salaire. Il y avait eu différentes tentatives de médiation mais le paiement ne venait pas. Une plainte avait été déposée auprès des services d’inspection. Un peu plus tard, l’entreprise semblait être en faillite. Nous avons établi une créance et introduit celle-ci auprès du curateur. Roberto pouvait rassembler de très nombreuses preuves et les a présentées. Le curateur a accepté celles-ci et Roberto a reçu son argent après une très longue procédure du Fonds de fermeture des entreprises.
Passer à l'étape suivante ?
Nous nous posons trois questions. Les réponses donnent un meilleur aperçu des étapes utiles à l’accompagnement des travailleurs sans droit séjour.
Étape 2 : parler
Comment entamer une conversation avec une personne sans droit de séjour ?
Étape 3 : intervenir
Quelles sont les démarches judicieuses à prendre dans les situations problématiques ?